Agriculture et bien-être au travail Se sentir bien dans sa peau pour mieux réussir professionnellement
Rechercher le bien-être au travail en agriculture est une nécessité et un gage de meilleure réussite professionnelle, tout en sachant que les voies pour y parvenir sont extrêmement diversifiées, ont témoigné des éleveurs, au Salon des productions animales (Space), à Rennes.
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« Quand je me suis installé en 2003, j'avais 40 hectares et un projet qui me convenait. En 2008, ma compagne m'a rejoint et nous avons dû agrandir (pour créer un deuxième emploi). On est passé à 80 ha, puis à 125. Finalement, on s'est retrouvé complètement dans le système où je ne voulais pas aller », raconte Nicolas Dubien, éleveur en Corrèze, lors d'une rencontre d'agriculteurs organisée par Trame, un centre de ressources agricole et rural.
« Au bout d'un moment, c'était trop. Trop de soucis, trop de travail. Enormément de tensions entre nous. Jusqu'au jour où je lui ai dit : "on ne peut pas continuer comme ça. Il faut qu'on se sépare". Le lendemain, je l'ai trouvée pendue », poursuit l'agriculteur. « J'avais un énorme sentiment de culpabilité. Sa famille m'est tombée dessus. J'ai essayé de tenir la tête hors de l'eau à cause des enfants ». C'est là que Nicolas Dubien rencontre un formateur à la Chambre d'agriculture. Ce dernier lui organise une « séance de déprogrammation », 20 minutes sur un canapé. « Je ne dormais plus, j'étais tout le temps en train de calculer, c'était infernal (...) L'accompagnement (après la séance) a été déterminant pour passer à autre chose ». L'agriculteur semble avoir retrouvé la sérénité et a repris son projet initial : « je suis revenu à 60 ha et j'ai entamé un projet de diversification ».
Toutes les situations ne sont pas aussi dramatiques. Avec son mari, Brigitte Lehuger élève des veaux en Ille-et-Vilaine depuis 1978. Pendant des années, tous deux ont été « en intégration » comme 95 % des éleveurs de veaux. « Mais avec le contrat d'intégration, nous ne décidions de rien : ni de la race des veaux, ni de leur alimentation ou de leurs soins. Il arrivait même que les veaux partent de l'élevage parce que l'abatteur en avait besoin, même si l'engraissement n'était pas terminé », suscitant une grande frustration.
Décider de tout, du début à la fin
En 2002, le couple rompt le contrat d'intégration et devient éleveur indépendant. « Depuis, on se sent beaucoup mieux. On décide de tout du début à la fin. Quand mes veaux partent, je suis fière de notre travail. On a établi de nouvelles relations de respect avec les acteurs de la filière viande. En étant responsables, on se sent valorisés, ça nous apporte beaucoup de bien-être », assure-t-elle.
Isabelle Dilard, chef d'exploitation en lait et cultures en Seine-Maritime, après 14 ans comme secrétaire commerciale, s'est beaucoup investie dans le développement personnel depuis cette reconversion et en vante les bénéfices. « Dans les deux crises laitières (2009 et actuellement), j'affronte la situation autrement. J'ai fait des choix, anticipé, développé d'autres activités », dit-elle. « Si on est dans le mal être, on est moins productif car le temps passé à ruminer n'aide pas à se projeter dans l'avenir ».
Vincent Grégoire, éleveur de porcs en Ille-et-Vilaine, appartient à un groupe d'agriculteurs qui vont, à tour de rôle, observer leurs pratiques respectives. « L'observateur extérieur interroge, pose des questions. Ça aide à prendre du recul dans son travail, à réfléchir autrement (...) Ça nous met dans une dynamique. C'est aussi remettre l'humain au cœur de la performance de l'exploitation ».
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